Selon une enquête du CREDOC, entre 5 et 6 millions de français sont en situation d’isolement, soit environ 10% de la population. La pauvreté est un facteur déterminant dans les cas d’exclusion sociale. Les risques d’isolement sont de 7% chez les français qui gagnent 3500 euros par mois, contre 18% chez ceux qui ont un revenu inférieur à 1000 euros.
Les accorderies ont pour mission sociale de briser l’isolement et de lutter contre la précarité. Elles réussissent à atteindre ce but en proposant un moyen d’échanger autrement. Ses membres, les accordeurs, proposent des services permettant de partager des savoirs et des compétences. Ils s’échangent une initiation à la guitare contre du jardinage, un cours de langue contre du repassage ou encore de l’aide au déménagement contre un moment partagé en cuisine.
Au-delà de cette dimension sociale, les accorderies sont une alternative au système économique dominant. Dans les villes françaises, 23% des habitants ne parlent pas à leurs voisins et ne connaissent personne dans leur quartier de résidence. Le capitalisme s’est introduit au plus profond de notre vie quotidienne, dans laquelle les échanges monétaires ont remplacé les échanges de qualité sociale et solidaire. Les accorderies proposent donc un modèle qui s’oppose à la marchandisation de l’entre-aide et de la solidarité de proximité. Elles permettent donc de recréer un réseau local, à l’échelle d’un quartier ou d’une ville, basé sur un système d’échange plus humain et moins marchand.
Pour promouvoir cette vision, les services ne s’échangent pas avec de l’argent mais avec le temps. Une heure de services donnés équivaut à une heure reçue. De plus, tous les services sont mis sur un même pied d’égalité. Par exemple, une heure de conseil juridique, qui coûterait plus d’une centaine d’euros sur le marché, est égale à une heure d’art plastique, qui vaudrait une vingtaine d’euros. Chaque accordeur possède un « compte temps » où sont inscrites les heures données et reçues. Lorsqu’une personne devient accordeur, 15 heures sont déposées dans son compte, ce qui lui permet d’échanger des services immédiatement.
Les accorderies permettent finalement de corriger les fortes inégalités sociales produites par le système capitaliste. Ces lieux sont valorisants car ils prouvent à ses adhérents que chacun possède des qualités et des talents à transmettre. Ce n’est donc pas la nature de l’échange qui compte. C’est l’échange en soi qui prime et c’est le fait de partager qui devient sa propre fin. En prônant cela, les accorderies créent une richesse collective et promeuvent un sentiment de communion sociale.
A l’Accorderie du Grand Belleville, une habituée nous résume bien l’intérêt de ces lieux solidaires. Être accordeur, « c’est s’opposer à l’économie de marché, à la consommation de masse et (…) c’est lutter contre toutes ces valeurs auxquelles on adhère plus. »
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